Un vieil interprète du Cantique des Cantiques, commentant le texte Pasce hædos meos, paissez mes boucs, ne fait aucune difficulté de l’appliquer à Marie à propos des pécheurs :
Ce sont eux, les boucs, dit-il ; ils sont justement nommés les boucs de Marie. Non, certes, qu’elle les veuille tels qu’ils sont, destinés à être placés à la gauche du souverain Juge, mais parce qu’elle les adopte afin de leur assurer une place à sa droite, en les métamorphosant en fidèles agneaux. […]
Sans doute, l’agneau est préférable au bouc. De même, rien ne vaut la candeur d’une âme innocente. Heureux ceux qui, semblables à des agneaux sans tache, méritent les caresses de la Vierge des vierges, si bien nommée la divine Brebis. Mais il reste une consolation immense aux pécheurs. Tout en se confessant dignes, à cause de leurs crimes, d’être à la gauche du Juge, comme des boucs maudits, il ne tient qu’à eux, par un recours confiant à Marie, de devenir ses boucs, et d’être bientôt convertis en agneaux. […]
Si infirmes que nous soyons, si désespéré que paraisse l’état de notre âme, le voulons-nous ? Marie nous adoptera pour ses malades. Et, parce que nulle infirmité spirituelle n’est incurable ici-bas, parce qu’aucune ne peut résister au traitement de la toute-puissante Mère de Dieu, Elle nous guérira. Sa gloire, comme celle d’un habile médecin, éclatera à proportion de la gravité des maux dont Elle nous sauvera.
Puis, une fois guéris, arrachés à la mort, pendant les langueurs et les périls d’une convalescence aussi longue que notre vie, cette douce Mère nous aimera toujours, et veillera sur nous, à la façon d’un médecin qui suit ses malades, après leur guérison. Nous aurons un titre plus spécial à sa maternelle protection.
Joseph Tissot, L’art d’utiliser ses fautes d’après Saint François de Sales, Chapitre VIII, p. 162-164