La première commande de vingt mille médailles s’écoulera en un clin d’œil. La demande est si prodigieuse qu’onze fabricants de Paris et quatre de Lyon s’ajoutent à la maison Vachette, et encore quelques-uns de Bruxelles, Liège, Genève, Turin, Boulogne, Rome, Naples, Londres et d’autres villes. Vachette à elle seule parviendra à vendre en moyenne trois mille médailles par jour. Il y eut un immense transbordement de l’Europe vers le monde entier, accompagné de guérisons, faveurs, signes manifestes de protection et conversions. En 1839, plus de dix millions d’exemplaires avait été distribués sur les cinq continents et des témoignages de miracles parvenaient de tous les points du globe : États-Unis, Pologne, Chine, Russie, Éthiopie…
Avec autant de grâces, il n’est pas surprenant que la médaille connue auparavant comme celle de « l’Immaculée Conception » prenne dans la bouche du peuple le nom de « médaille miraculeuse ».
Aucun prodige, cependant, ne cause tant de surprise et d’admiration que celui annoncé en 1842 : un jeune banquier, parent avec la richissime famille Rotschild, juif de race et de religion, nourrissant une antipathie manifeste contre la foi catholique, se convertit instantanément. S’étant arrêté à Rome alors qu’il faisait route vers le Moyen-Orient, il accompagne un ami à la basilique de Sant’Andrea delle Fratte. À cet endroit, la Très Sainte Vierge lui apparaît, telle qu’elle est représentée sur la médaille miraculeuse. Alphonse Tobie Ratisbonne — c’était son nom — reçoit le baptême et, après avoir rompu une noce d’heureux auspices, il embrasse la vie religieuse en joignant la Compagnie de Jésus. Plus tard, il sera ordonné prêtre et rendra de bons services à la Sainte Église sous le nom de Père Alphonse-Marie Ratisbonne.
Quatre jours avant son heureuse conversion, le jeune israélite avait cédé avec répugnance et plutôt plaisamment, devant l’insistance de son ami, le baron de Bussières, qui voulait l’obliger à porter au cou la médaille miraculeuse. Il avait aussi accepté une copie du Souvenez-vous (prière bien connue composée par saint Bernard), qu’il promit de réciter à tous les jours. Au moment où il vit la Sainte Vierge, Ratisbonne portait sur lui la miraculeux insigne mariale…
Toutefois, plus qu’un instrument de grâces particulières, la médaille fut un catalyseur de la piété mariale du peuple de Dieu, dont le raffermissement culmina dans la proclamation du dogme de l’Immaculée Conception par le bienheureux Pie IX, en 1854. L’inscription gravée sur la médaille, faisant allusion à cette vérité de la foi, anticipe la définition solennelle de l’Église et elle fut confirmée par la Très Sainte Vierge, à Lourdes, en 1858, lorsqu’Elle déclara : « Je suis l’Immaculée Conception ». La « Dame de la grotte est apparue telle qu’Elle est sur la médaille miraculeuse » affirmera la voyante, sainte Bernadette, qui portait le pieux objet au cou à cette occasion.
Tandis que la médaille obtenait des merveilles du Ciel, Catherine passait inaperçue dans une maison des Filles de la Charité en banlieue de Paris, servant les pauvres vieux de l’asile d’Enghien. Fidèle à ses obligations, humble, discrète, charitable, toujours de bonne humeur, sereine, généreuse, elle ne refuse jamais un travail. Cette façon d’être attirait l’attention de ses proches, et quelques-unes des sœurs commencèrent à suspecter qu’elle était l’interlocutrice privilégiée de la Très Sainte Vierge. Jamais ils ne purent aller plus loin. Les rares fois où le sujet fut abordé en sa présence, on la vit rester muette, protégeant soigneusement son « secret ».